Le passage du livre qui me paraît le plus éloquent est celui qui concerne l'ornithorynque et le bicorne.

Je comprends aisément pourquoi des maisons d'édition ont refusé ce livre : il fait partie de la classe des ornithorynques, c'est-à-dire qu'il est inclassable. Il bat même des records d'inclassabilité, tout comme le parcours de son auteur, tel qu'il le décrit lui-même, qui aura eu pour constante de soutenir le combat de l'innovation et de la créativité contre conformisme.

Et pourtant la lecture de ce livre est comme une longue promenade avec un ami de toujours, ou parfois avec une rencontre de fortune : revigorante, réconfortante, amusante, tragi-comique souvent.

Je me demande si le titre reflète le contenu, toutefois. Des carcasses et des ferrailles et des esquilles il ne cesse d'y en avoir, certes, dont la description voire la photographie font mal. Mais l'esprit qui court d'un bout à l'autre, et qui est la vie même - sur quatre génération au moins, tout le XXe siècle - me paraîtrait mieux reflété par quelque chose de moins rebutant qu'une ou même une montagne de carcasses, malgré la portée philosophique et spirituelle vers laquelle pointe le terme. L'auteur décrit tellement bien la façon dont il s'y est pris pour baptiser certaine société, ou répondre à certains tests, que j'imagine que c'est moi qui n'ai pas su lire dans la profondeur.

Il y une trentaine d'années j'avais feuilleté dans une librairie un grand volume qui s'intitulait "Tout, le livre des possibilités". Je n'avais pas de quoi me le payer et ne l'ai jamais retrouvé ensuite. Plus tard j'ai apprécié la formule un peu ornithorynque elle aussi de "l'Autre Journal", qui malheureusement n'a pas vécu longtemps.

Je trouve qu'un tel ouvrage, même s'il est souvent difficile de se retrouver parmi les sigles ou certaines références, devrait être rendu accessible et pour ainsi dire promu auprès de la génération montante. C'est le récit d'une lutte perpétuelle malgré certaines blessures, d'une capacité à maintenir le cap, la curiosité, l'ouverture l'optimisme et l'humour dans toutes les circonstances de la vie, tout en laissant à celle-ci sa part de mystère et d'imprévu, qui vaut bien des ouvrages philosophiques.

DROIT DE REPONSE, tel était le titre de ce billet avant même que je ne l'ouvrisse. Autrement dit, ce n'était pas un devoir. Mais le voici ouvert, et son titre devient : "Réponse de l'auteur". Là, je dois ajouter quelque chose. Que puis-je ajouter à un tel commentaire qui dit si bien ce que j'avais envie de dire en écrivant ce livre. Erreur de titre ? C'est sans doute vrai, mais à condition d'en trouver un meilleur. Non, je le garde, ce titre, tellement est forte à mon sens l'image dont je parle dans le premier chapitre, l'image de cet inventeur d'une machine à évaluer les carcasses suspendues aux esses sans avoir à y enfoncer un quelconque instrument. Mais c'est vrai, l'ornithorynque aussi était une belle image. Merci DiegoOrtiz